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Nouvelle loi - la Suisse en a marre de la corruption des dirigeants du sport. Büchel s'exprime au Monde

veröffentlicht am Freitag, 12.12.2014 23.00 Uhr

Le Monde, Le Monde online


Les fédérations internationales implantées en Suisse peuvent remercier Sepp Blatter…

LE MONDE SPORT ET FORME

La Suisse n’est pas seulement le paradis fiscal des tennismen français ou des grands patrons de la planète. Elle a aussi vu pousser sur son sol, depuis que le Comité international olympique (CIO) s’y est installé en 1915, une quarantaine de fédérations sportives internationales – de la toute-puissante FIFA à la plus discrète Fédération internationale de bridge, en passant par celles de ski, de handball ou de minigolf – qui contribuent à la renommée et aux finances du pays, tout en profitant d’une fiscalité amicale.

Mais voilà, l’une de ces fédérations ayant la fâcheuse habitude, depuis quelque temps, d’attirer les soupçons de malversations (un indice : ce n’est pas celle de bridge), les Suisses ont commencé à s’agacer, notamment le député Roland Büchel : « La Suisse est l’un des pays où il y a le moins de corruption au monde, mais avec les histoires de la FIFA [vous aviez deviné] on a l’impression d’être dans un pays plus corrompu que le Burkina Faso. »

Pour mettre fin à cette publicité négative, le Parlement helvétique a voté, vendredi 12 décembre, une loi sur le blanchiment d’argent, dont le surnom – « Lex Fifa » – donne une idée de sa cible, même s’il ne faut pas oublier la belle régularité du CIO au chapitre des scandales au cours des dernières décennies.

« Le Parlement et les gens en Suisse en ont assez de la corruption. Et ça, ils ne l’ont pas compris à la FIFA », explique Roland Büchel, qui a lui-même travaillé au service marketing de l’institution entre 1999 et 2002 et fait campagne depuis 2010 pour une surveillance accrue des institutions sportives.
« Personne politiquement exposée »

Le premier volet de la loi, adopté par 128 voix contre 62 par le Conseil National et par 37 contre 4 au Conseil des Etats, offre à Sepp Blatter (président de la FIFA) et tous les dirigeants des fédérations internationales olympiques le statut de « personne politiquement exposée » (PPE), qui signifie que ces gens-là, du fait de leur fonction, ont plus de chances que vous et moi d’être touchés par des affaires de corruption.

Et que, par conséquent, leurs finances seront désormais étroitement surveillées. « Si la banque constate quelque chose de bizarre sur le compte de M. Blatter, elle pourra le bloquer immédiatement et devra avertir les autorités fédérales et elle n’aura pas le droit de l’en informer, résume Roland Büchel.

Une autre disposition de la loi, qui sera votée d’ici deux ans, placera la FIFA et les autres organisations sportives sous la législation anticorruption du Groupe d’action financière (GAFI, auquel adhèrent une quarantaine de pays), dont elles étaient jusqu’à présent exemptées en tant qu’associations à but non lucratif – oui, comme ne l’indiquent pas ses réserves de 1,432 milliard de dollars (1,157 milliard d’euros), la FIFA est une association à but non lucratif.

La corruption dans le sport va devenir une affaire pénale, et chaque cas suspect (exemple : l’attribution du Mondial 2022 au Qatar) fera l’objet d’une enquête de la justice suisse, même si personne ne porte plainte.

Les Fédérations continentales ont été oubliées dans la loi – alors que le chiffre d’affaires de l’UEFA, basée à Nyon, dépasse celui de la FIFA –, mais celle-ci va tout de même très loin, puisque la secrétaire de Sepp Blatter ou le directeur de la communication de la FIFA, ainsi que les membres des familles des PPE, seront aussi considérés comme des PPE.

« Mais, après toutes leurs conneries, c’est normal que le législateur exagère, justifie Roland Büchel. Ces gens-là peuvent dire merci aux membres du Comité Exécutif de M. Blatter. »

« Si elles quittent la Suisse, alors bon voyage »

Alors que la loi était en cours d’élaboration, la FIFA n’avait pas donné l’impression de s’alarmer, faisant savoir que, « en tant qu'organisation sportive internationale basée en Suisse, [elle suivait] avec intérêt les discussions politiques en cours, et se [tenait] prête à répondre à toute question des législateurs. »

De son côté, Thomas Bach, lui non plus, n’a pas eu l’air de se faire de souci : « Le CIO soutient entièrement et se félicite de cette initiative importante des législateurs suisses. »

Roland Büchel laisse entendre que les choses n’ont pas été aussi simples que ça, et que le projet de loi a donné du travail aux lobbyistes : « La FIFA et le CIO ont dit : “Oui, on est pour cette loi.” Officiellement. Par derrière, ils ont tout fait pour qu’elle ne vienne pas comme ça. Maintenant, on va voir. »

On va voir si, parmi la quarantaine de fédérations et la vingtaine d’autres organisations sportives (Agence mondiale anti-dopage, Tribunal arbitral du sport, etc.) concernées, quelques-unes envisagent d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte et la loi, plus souple.

Certains pays pourraient sauter sur l’occasion pour tenter d’attirer chez eux des fédérations internationales, qui sont souvent accueillies à bras ouverts : celle de badminton avait reçu un chèque de la Malaisie pour déménager à Kuala Lumpur en 2005, et celle d’athlétisme, installée depuis 1993 dans une superbe villa de Monaco, bénéficie d’un bail de trente ans à 1 euro de loyer annuel.

Mais pas sûr que la Suisse ne subisse un exode massif : la nouvelle loi ne touche pas aux avantageuses conditions fiscales des organisations sportives installées chez elle. Quand bien même, Roland Büchel ne s’en offusquerait pas : « Si elles quittent la Suisse, alors bon voyage. »
Henri Seckel

 

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